De Berlin à Belém, 30 ans de COP

En ce jour d'ouverture de la trentième Conférence des Nations unies sur les changements climatiques qui se tient jusqu'au 21 novembre, à Belém, au Brésil, retour sur les conférences les plus marquantes depuis 1995 et la première COP à Berlin.

Rappel historique

À la fin du 20e siècle, la prise de conscience environnementale s’accélère. En 1990, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publie son premier rapport et confirme la gravité du changement climatique. Deux ans plus tard, en 1992, Rio accueille le troisième Sommet de la Terre. Lors de cette réunion décennale entre les dirigeants mondiaux, est adoptée la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Il en ressort la création de conférences annuelles, nommées Conférences des parties (COP). Ainsi, depuis 1995 et la première COP à Berlin, les dirigeants des pays du monde entier se rassemblent chaque année pour tenter de trouver des solutions contre le changement climatique. Certaines d’entre elles ont marqué les esprits et pas toujours de la bonne manière.


1995, Conférence de Berlin : à jamais la première

120 pays étaient représentés lors de cette première Conférence des parties qui a instauré les blocages que l’on connaîtra par la suite. En effet, les pays développés refusaient déjà de se voir incomber la responsabilité totale dans le changement climatique, tandis que les pays en développement voulaient d’abord rattraper les pays riches et aviser ensuite sur de potentiels engagements. Ce clivage perdurera jusqu’en 2015 et l’Accord de Paris. Si aucun engagement concret n’a été pris, la COP 1 de Berlin a toutefois permis d’élaborer les premières stratégies de collaboration et de préparer le terrain aux décisions prises lors de la COP de Kyoto deux ans plus tard.


1997, le Protocole de Kyoto : un traité fondateur

Cette troisième COP est peut-être, avec celle de Paris en 2015, la plus importante de l’histoire. Il en ressort le fameux Protocole de Kyoto, premier traité imposant des limites chiffrées aux pays industrialisés. Après d’intenses négociations diplomatiques, il est acté que les pays devront baisser leurs émissions de gaz à effets de serre (GES) d’au moins 5,2 % entre 2008 et 2012 par rapport à 1990. Il propose également une flexibilité dans l’engagement pour ne pas mettre en danger l’économie des pays signataires. Ainsi, chaque pays ou zone économiques avait ses propres objectifs. Par exemple, l’Union européenne devait réduire ses émissions de 8 %, objectif qu’elle a dépassé en atteignant 12 % de réduction. 

Il faut toutefois attendre 2005 pour que le traité entre en vigueur. La raison ? La nécessité d’obtenir la ratification de 55 pays représentant 55 % des émissions mondiales, seuil qui ne sera franchi qu’en 2004 avec la signature de la Russie.

Si les résultats n’ont pas toujours été à la hauteur des attentes, le Protocole de Kyoto reste encore aujourd’hui comme l’un des traités fondateurs de la lutte mondiale contre les changements climatiques.


2009, Conférence de Copenhague : le rendez-vous manqué

Quatre ans après l’entrée en vigueur du Protocole de Kyoto, l’enjeu de la COP 15 était de poursuivre ce qui avait été entrepris en 1997 et donc de fixer des objectifs de réduction de gaz à effets de serre (GES) au-delà de 2012. 

Toutefois, les négociations ont été principalement dirigées par quelques pays dont la Chine, les Etats-Unis ou l’Inde et les autres pays représentés n’ont pu que “prendre note” de l’accord lors de la séance de clôture. Or, l’accord n’était pas légalement contraignant et ne proposait aucun objectif chiffré de réduction des GES.

Ainsi, malgré la reconnaissance de la nécessité d’une aide financière au pays en développement, la COP 15 de Copenhague reste une déception et un rendez-vous manqué au regard des ambitions importantes qui avaient été initialement annoncées.


2015, l’Accord de Paris : un accord historique porteur d’espoir

La COP 21 a été l’une des plus ambitieuses de l’histoire. Les Etats présents avaient pour objectif de poursuivre ce qui avait été négocié à Copenhague et de proposer un accord permettant d’atteindre à terme la neutralité carbone. Il est également le premier accord international sur le climat à caractère universel. En effet, alors que le Protocole de Kyoto n’engageait que les pays industrialisés, l’Accord de Paris engage également les pays en développement. Il est ratifié par 195 Etats et entre en vigueur en novembre 2016.

Les objectifs de l’accord de Paris se résument à contenir le réchauffement climatique à 2 °C d’ici 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle, tout en poursuivant les efforts pour essayer de limiter la hausse des températures à +1,5 °C. Le troisième objectif est d’atteindre la neutralité carbone, c’est-à-dire un équilibre entre les émissions de GES et l’absorption permise par les puits de carbone.

Pour atteindre ces objectifs, les pays déterminent eux-mêmes les efforts et contributions qu’ils doivent mettre en place à travers des plans nationaux appelés Contributions déterminées au niveau national (CDN).

Toutefois, malgré des négociations et des résultats historiques, l’Accord de Paris comporte d’importantes limites. S’il se voulait contraignant, l’accord n’a pas d’aspect coercitif et ne contient aucune sanction applicable aux pays qui ne respecteraient pas leurs engagements. De plus, faute d’intérêts et de compromis, ni le charbon, ni le pétrole, ne sont mentionnés dans les textes. Enfin, le retrait des Etats-Unis de cet accord représente un handicap conséquent dans l’atteinte des objectifs fixés.

2022, Conférence de Charm el-Cheikh : un accord mitigé

Les quelques avancées obtenues lors de la COP 27 en Egypte n’ont, à nouveau, pas permis de cacher le manque d’ambition des Etats parties. En effet, la signature d’un accord historique sur la création d’un fonds “pertes et préjudices” pour les pays vulnérables a pu faire croire à une conférence réussie, mais la réalité fût toute autre. Au-delà du fait qu’aucun texte ne mentionnât les moyens de financement du fonds, aucun accord n’a été signé concernant la sortie des énergies fossiles et une accélération de la lutte contre le changement climatique.

2023 et 2024, Conférences de Dubaï et de Bakou : une injure à la lutte environnementale

Les COP 28 et 29 ont été vivement critiquées avant même leur commencement. Les Émirats Arabes Unis comme l’Azerbaïdjan figurent en effet parmi les plus importants exportateurs d’énergies fossiles au monde. Ainsi, la tenue de la plus grande conférence mondiale pour le climat dans ces pays avait de quoi faire parler. 

Par ailleurs, le président de la COP 28 de Dubaï ne fût autre que Sultan Al-Jaber, PDG du groupe pétrolier Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC). De plus, lors de cette conférence, l’ONG Global Witness a recensé 2456 lobbyistes représentant les sources d’énergies fossiles, soit presque 4 à 5 fois plus que pour les deux COP précédentes. Pour ce qui est des résultats de cette conférence, le compromis dérisoire d’une transition hors (« transition away ») des énergies fossiles n’a pas compensé l’inscription d’énergies fossiles comme le gaz au titre d’énergie de transition. De plus, ces accords de simple réduction de consommation des énergies fossiles, ne comportent aucun chiffre et ne sont nullement contraignants.

Concernant la COP 29 de Bakou, en Azerbaïdjan, les résultats ont une fois de plus été décevants. L’obligation pour les pays riches de tripler leur aide financière aux pays en développement, passant de 100 à 300 milliards de dollars, a été l’une des seules mesures positives, même si les pays en développement réclamaient un montant deux fois plus important. De plus, des pays comme la Chine, Singapour ou les pays du Golfe n’ont toujours pas été inscrits dans la liste des pays devant fournir une aide financière. Et enfin, cerise sur le gâteau, la mention d’une transition vers la sortie des énergies fossiles, seul point positif de la COP précédente à Dubaï, n’a pas été mentionnée.

Trente ans après l’instauration des COPs, les Etats signataires sont loin d’atteindre leurs objectifs, ne faisant que repousser leurs efforts concrets à plus tard. Dans un récent rapport, 60 scientifiques, dont d’anciens membres du GIEC, ont d’ailleurs alerté sur la désormais impossibilité de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, les efforts des Etats étant insuffisants.

C’est donc dans un contexte alarmant que va se tenir la COP 30 à Belém, au Brésil, un lieu hautement symbolique aux portes de l’Amazonie. Entre tentatives de limiter la hausse des températures à +1,5 °C et volonté de mettre en œuvre concrètement des engagements pris depuis les Accords de Paris de 2015, les objectifs annoncés ne semblent pas si différents des autres COP. Pour ce qui est de l’absence annoncée des Etats-Unis, certains y voient comme une occasion d’aboutir plus facilement à des avancées significatives quand d’autres craignent qu’elle ne handicape l’atteinte d’objectifs concrets.

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